mardi 19 octobre 2010

Apnées du sommeil chez le sujet à risque cardiovasculaire

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4 février 2005
Dr Catherine Desmoulins

Paris, France - Les apnées du sommeil génèrent des arrêts respiratoires complets ou incomplets à l'origine de micro-éveils et de désaturations et donc des symptômes. On distingue les apnées obstructives des apnées centrales associées à une respiration périodique, rencontrées chez les grands insuffisants cardiaques.



La décision thérapeutique en regard du traitement de référence qui est la pression positive continue (PPC ou CPAP des Anglo-saxons) est évidente dans un certain nombre de situations :



•quand on est en présence d'un grand nombre d'événements respiratoires anormaux (> 15 par heure) et des symptômes (somnolence diurne et/ou endormissements diurnes, asthénie, céphalées matinales. . .). Les symptômes sont cruciaux pour la tolérance et pour l'efficacité du traitement.

•quand les index d'apnée sont plus bas (< 15) mais avec des symptômes qui peuvent être attribués au syndrome d'apnée du sommeil (SAS). Dans les SAS modérés, un grand nombre d'études randomisées montre que l'on améliore la qualité de vie, la somnolence et les troubles cognitifs. On est donc en droit de traiter.





Dr JL Pepin

L'attitude est beaucoup moins tranchée devant des personnes qui ont une maladie obstructive avec des apnées modérées, peu de symptômes individualisés et pas d'anomalie cardiovasculaire (CV) associée évidente. « Face à ce patient, » explique le Dr Jean-Louis Pépin (pneumologue et physiologiste, CHU de Grenoble), « il faut se méfier de l'absence apparente de symptômes. Si on fait une batterie de tests pointus en laboratoire de sommeil, avec par exemple des simulateurs de conduite, on constate que la plupart des sujets ont des troubles de l'attention. Il ne faut donc pas les écarter ces patients trop vite d'une prise en charge thérapeutique. »



Que faire face aux patients qui ont un grand nombre de pauses respiratoires sans symptôme et chez lesquels on veut prévenir une morbidité CV ou les patients qui ont peu de symptômes, des apnées obstructives modérées et déjà une morbidité CV ? Dans ce cas, on se pose la question de prévenir une récidive d'anomalie CV.



Il est certain que les apnéiques font de l'athérome car la chute suivie d'une remontée du taux d'oxygène produit des radicaux libres et des facteurs de l'inflammation. Tous les mécanismes physiopathologiques de l'athérome, retrouvés dans d'autres maladies comme le diabète, sont déclenchés par les apnées obstructives du sommeil. Pour le Dr Pépin qui passe en revue les données de la littérature, « il existe des arguments scientifiques forts en faveur de l'effet bénéfique du traitement sur les paramètres CV. »



Cela n'est pas le point de vue du Pr Nicolas Danchin (hôpital Européen Georges Pompidou) qui estime que « l'on a, pour l'instant, un niveau de preuve très faible en faveur de l'élargissement des indications du traitement. Une seule chose est réellement connue : c'est la prévalence assez importante de ce syndrome chez les sujets à risque CV, y compris chez les coronariens. »



La pression positive supprime tous les stimuli : désaturation, séquence hypoxémie/réoxygénation (à l'origine de la libération de radicaux libres) et les micro-éveils. En cas de coexistence d'une hypertension artérielle et d'apnées du sommeil, il est maintenant bien établi qu'il faut traiter. Une étude en holter tensionnel comparant l'effet d'une pression positive efficace (qui ouvre entièrement les voies aériennes) versus inefficace (fuite dans la valve) chez des hypertendus a montré une réduction très significative de la pression moyenne à un mois chez les apnéiques correctement traités. La baisse était d'autant plus marquée que les patients faisaient des épisodes de désaturations importantes. « Donc, un patient hypertendu, même s'il a un faible nombre d'événements respiratoires doit être traité, » martèle Jean-Louis Pépin.



Un travail mené à l'hôpital Ambroise Paré par le Dr Olivier Milleron [1] chez des patients avec un antécédent coronarien a montré que la prise en charge de leurs apnées obstructives diminuait la fréquence des récidives ischémique : selon l'acceptation ou le refus des patients de porter le masque de pression positive, le nombre de nouveaux événements CV était significativement modifié. « Nous avons aujourd'hui des données relativement convaincantes pour dire qu'un patient coronarien qui a des apnées du sommeil doit aujourd'hui se voir proposer une pression positive, » avance le Dr Milleron.



Pour le Pr Danchin, « quelques éléments d'observation laissent penser que chez le coronarien, l'existence d'apnées du sommeil est associée à un pronostic plus défavorable. Mais il faut bien voir que ces remarques sont issues d'études observationnelles. L'étude de Milleron a des réserves méthodologiques. »



Chez l'insuffisant cardiaque aussi, le traitement des apnées pourrait améliorer le score fonctionnel. Une étude menée en double aveugle chez des insuffisants cardiaques sévères [2] (fraction d'éjection ventriculaire ou FEV < 30 %) souffrant d'apnées obstructives a montré une amélioration significative de la FEV d'environ 8 points (de 25 à 33 %) chez les patients traités par PPC, alors qu'il n' y avait pas de variation dans le groupe traité inefficacement. « Ce résultat porte certes sur un nombre limité de patients (n = 2 x 12) mais le double aveugle lui donne de la valeur, » commente le Dr Pépin.



Autre voie de recherche : l'arythmie auriculaire. Un travail publié dans Circulation [3] a comparé le taux de récidive de fibrillation auriculaire après ablation par choc électrique chez des patients diagnostiqués ou non comme porteurs d'un SAS obstructif. À 1 an, le taux de récidive chez les patients traités par PPP était de 50 % (comparable à la population générale) et de 80 % chez les non traités. « Là aussi, on a l'impression que dans le facteur récidive de la fibrillation auriculaire, le traitement des apnées obstructives a un impact, » note le pneumologue.



Enfin, une étude a comparé la fréquence des événements CV (coronariens, hypertension. . .) avec un recul de 7 ans au sein d'un groupe de 182 patients en fonction de l'existence d'un SAS, traité ou non. Le taux de nouveaux événements était plus élevé chez les patients non traités pour leur SAS, ce qui suggère que le traitement d'un SAS obstructif peut être efficace en prévention secondaire.



On a l'impression que le traitement des apnées obstructives peut améliorer des paramètres liés à un mauvais pronostic chez des patients à risque CV. « Devant un SAS modéré des patients sans maladies CV évidentes, » explique le Dr Pépin, « on fait un phénotypage cardiovasculaire complet avec pression artérielle ambulatoire et sur 24 h, baroréflexe, vitesse de l'onde pouls (VOP), échographie cardiaque et carotidienne. On trouve alors de nombreuses HTA diastoliques très largement sous-estimées par les cardiologues (article à paraître dans Journal of Hypertension, 2005). Quand on traite ces patients, ils améliorent leur pression artérielle diastolique et leur baroréflexe et ils réduisent leur épaisseur intima-media carotidienne. Donc même au tout début d'une maladie CV, on a l'impression que le traitement par PPC d'apnées obstructives peut améliorer des paramètres liés à un mauvais pronostic chez des patients à risque CV. »



Vouloir élargir les indications de la pression positive est plus un élément de spéculation intellectuelle qu'un élément de conviction. « C'est plus un élément de spéculation intellectuelle qu'un élément de conviction quel qu'il soit, » met en garde Nicolas Danchin. Il y a beaucoup de données qui laissent penser qu'il y a un lien entre les apnées du sommeil et le pronostic d'un certain nombre de maladies cardiaques y compris les plus communes. On a quelques travaux qui permettent de penser que, peut-être, le traitement des apnées du sommeil serait bénéfique mais on est à ce stade encore très préliminaire. On attend maintenant une vraie confirmation méthodologiquement qui validerait à la fois la nécessité de rechercher les apnées et de les traiter. »



Un seul point est finalement partagé par les deux spécialistes :



« Il faut trouver des outils simplifiés pour dépister cette maladie de manière facile en milieu cardiologique (comme l'oxymétrie) et pour suivre l'évolution au fur et à mesure de la prise en charge. Il faut absolument sortir cette maladie des laboratoires du sommeil. »



À Paris, une étude destinée à faire des diagnostics d'apnée du sommeil chez des patients en soins intensifs cardiaques est en préparation. Elle utilisera un enregistrement a minima des paramètres polysomnographiques (respiration, fréquence cardiaque, saturation transcutanée. . .) avec un appareillage beaucoup plus simple.

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